Octobre rose 2023 – Odysséa
Elles étaient vingt et cent, elles étaient des milliers
Craignant pour l’avenir, angoissées, apeurées
Qui battaient le pavé un dimanche récent
Elles étaient des milliers, elles étaient vingt et cent
Elles se voyaient en femmes, et surtout pas en ombres
Depuis que les toubibs les avaient projetées
Entre doute et espoir, dans un avenir sombre
Elles ne rêvaient qu’à vivre de très nombreux étés
Ce dimanche matin, dans les allées du bois
Pour exister encore, combattre une autre fois
Elles partaient pour courir derrière un bel espoir
Car y croire toujours, elles s’en faisaient devoir
Elles s’appelaient Marie, Nathasha, Isabelle
Elles priaient leur Dieu et craignaient fort le diable
D’autres ne croyaient pas, seul comptait le réel
Elles voulaient simplement avoir une place à table
La table d’un destin qu’elles voulaient transformer
Pour elles et pour les autres, qu’on allait dépister
Qui ignoraient encore, étonnées qu’à leur âge
On les dise parfois, insouciantes, pas sages
Mais le crabe veillait, tapi dans les cellules
Prêt à les dévorer, s’installant doucement
Sans bruit et sans douleur, comme une libellule
Butinant, bien en vie, mais tuant consciemment
Dans les allées du bois, elles étaient des milliers
Femmes en rémission, femmes en traitement
À peine dépistées ou sensibilisées
Mais des hommes aussi, amis, maris, amants
C’était Odysséa, dans le bois de Vincennes
Une course pour tous, une course anti-crabe
Dans leurs maillots rosés, elles étaient les vedettes
Pour elles l’arrivée, c’était parfois du rab.
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Pour une même cause, hommes femmes mêlés
Arpentant les allées comme des combattants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent
D’après « Nuit et brouillard », paroles et musique de Jean Ferrat, 1963