L’oiseau bleu d’Erzeroum, Ian Manook, Albin Michel – Un roman poignant
Ma chronique sur Babelio : Araxie, 10 ans, prend soin de sa petite sœur aveugle, Haïganouch. Leurs parents arméniens sont morts, le père à la guerre, la mère massacrée par les turcs dans sa ferme. Tous les membres de la proche famille chez laquelle elles s’étaient réfugiées à Erzeroum décédent au cours de la déportation massive des chrétiens d’Arménie.
Dans la colonne de déportés, les deux fillettes sont prises en charge par Chakée, une vieille femme qui ne manque pas de ressources. Lorsqu’elles arrivent à la forteresse de Diarbekir, Chakée organise, avec l’aide d’un officier turc, la vente des deux fillettes comme esclave d’Assina, 15 ans, la fille d’un médecin local. Cette dernière doit bientôt épouser, mariage arrangé, un riche notable d’Alep.
La vielle femme espère ainsi sauver les deux petites filles…
Ian Manook abandonne (temporairement ?) le polar pour le roman historique ; un roman inspiré par l’histoire de sa grand-mère, réfugiée arménienne. Un changement de genre littéraire particulièrement bien réussi !
L’auteur met ses talents de conteur et de journaliste touristique, ainsi que son passé de grand voyageur, au service d’une véritable épopée en deux parties :
- La première est la lutte pour la survie de fillettes et adolescentes au cœur du massacre des arméniens par les turcs et les kurdes au milieu des années 1910, puis des violences qui accompagnent la décomposition de l’empire ottoman après la guerre perdue de 14-18 ;
- La seconde est le début de la reconstruction personnelle et familiale des jeunes femmes qu’elles sont devenues, avec son lot d’espoir et de réussite, mais aussi de restes de violence.
Le récit est dur, malgré la suppression de certaines scènes de massacre, et poignant, mais il est porté par un espoir : survivre puis se reconstruire et vivre pleinement sa vie.
L’écriture est celle de l’auteur de polar : simple et directe, sans trop de fioritures, mais taillant les scènes au cordeau. Si l’on doit arrêter de temps en temps la lecture, ce n’est pas pour assimiler la complexité du texte, mais pour laisser passer l’émotion ou pour accepter l’idée que oui, des hommes ont été capables de faire ça…
Le roman se termine à l’aube de la seconde guerre mondiale, et appelle donc une suite…