30 septembre 2020 ~ 0 Commentaire

Fondation Jean Jaurès – Rééquilibrer les effets du quinquennat (par Jean-Philippe Derosier)

CaptureArticle publié sur le site Internet de la Fondation Jean Jaurès.

Je trouve Jean-Philippe Derosier souvent un peu extrémiste… Pour une fois, je suis plutôt d’accord avec lui, tout en trouvant qu’il ne va pas assez loin dans la réflexion !
L’abstention est une des failles majeures de notre système démocratique ; elle justifie ensuite tous les procès en non légitimité.

Pourquoi ne pas réfléchir à un mandat de 6 ans pour tous les élus, avec des élections groupées tous les 3 ans en alternant nationales (président, députés, parlement européen (?)) et locales (municipales, départementales et régionales), voire en introduisant du renouvellement par moitié pour certaines assemblées ?

Cela donnerait de la stabilité (président et majorité parlementaire élus le même jour), tout en permettant l’émergence de contre-pouvoirs (avec la décentralisation, les collectivités territoriales ont de plus en plus de poids !)

Cela permettrait également de remobiliser les électeurs, qui ne seraient plus sollicités presque tous les ans sur des enjeux incompréhensibles (tans notre mille-feuille administratif est complexe !), mais tous les 3 ans sur des projets qui pourraient montrer leur cohérence.

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Dans sa contribution d’une série réalisée en partenariat avec L’Hétairie, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille et auteur du blog La Constitution décodée, revient sur les vingt du quinquennat, une réforme qui a stabilisé le pouvoir présidentiel en omettant de renforcer le pouvoir législatif.

Le quinquennat a vingt ans !

Il fut introduit le 24 septembre 2000, par référendum constitutionnel. Plébiscité à l’époque (mais par une faible partie d’électeurs, tant l’abstention avait été record), il est aujourd’hui vertement critiqué. Il a pourtant un nécessaire effet stabilisateur, qui n’interdit pas de réfléchir à des évolutions.

D’abord, dénonçons quelques idées reçues et rétablissons quelques contre-vérités.

D’une part, on l’associe toujours à «  l’inversion  » du calendrier électoral, car une loi votée postérieurement à l’adoption de la révision constitutionnelle a reporté au mois de juin le terme du mandat de député, là où il expirait auparavant début avril. L’objectif était effectivement de permettre que se déroule d’abord l’élection présidentielle, puis les élections législatives.

Le quinquennat a stabilisé le pouvoir présidentiel, en omettant de renforcer concomitamment le pouvoir législatif

Mais comme l’a maintes fois rappelé et expliqué Guy Carcassonne, cet objectif était destiné à «  rétablir  » le calendrier, non à l’«  inverser  », car jamais, dans toute l’histoire de la Ve République, les élections législatives ne se sont tenues avant l’élection présidentielle. Au contraire, le fonctionnement institutionnel de notre régime repose sur un chef légitime, élu par le peuple, qui le choisit sur la base d’une mission politique – son programme – et lui confie une majorité pour la réaliser.

Trêve «  d’inversion  », parlons de «  rétablissement  » du calendrier électoral !

D’autre part, certains soutiennent que, depuis le quinquennat et depuis Jacques Chirac, aucun président de la République n’a été réélu. Certes, le fait est incontestable, mais en attribuer la cause au quinquennat est une erreur grossière. En réalité, aucun président n’a été réélu sous la Ve République, à moins d’avoir préalablement perdu le pouvoir. Il ne s’agit donc pas de continuité.

Les seuls à l’avoir été sont le Général de Gaulle en 1965, François Mitterrand en 1988 et Jacques Chirac en 2002. Mais, en 1965, c’est la première élection au suffrage universel direct. En 1988 et en 2002, la réélection a lieu après une période de cohabitation, donc une défaite électorale de la majorité présidentielle.

Le quinquennat n’y change rien.

Enfin, l’introduction du quinquennat aurait présidentialisé le régime, en renforçant les pouvoirs du président de la République. Dans cette appréciation, on se concentre une nouvelle fois sur la période actuelle et, constatant une évolution, on l’attribue au quinquennat, sans considération d’autres éléments influents.

La Ve République a toujours réservé une place prépondérante au chef de l’État : c’est même sa raison d’être et, à voir comment ils plébiscitent l’élection présidentielle et refusent d’élire un candidat leur promettant un bouleversement constitutionnel, il faut croire que les Français y sont (encore) attachés.

Le quinquennat n’a pas davantage présidentialisé le régime qu’il ne l’était déjà.

Néanmoins, introduit et appliqué à l’orée des années 2000, le quinquennat est concomitant à la sur-médiatisation de la vie politique, grâce à l’émergence des réseaux sociaux, à l’information continue et à la diffusion de l’image. Si LCI, première chaîne d’information continue française, naît en 1994, c’est véritablement entre 2004 et 2007 que l’offre et la diffusion se démultiplient, avec l’arrivée de la TNT et de BFM TV. Facebook naît en 2004 et Twitter en 2006, l’un et l’autre se développant surtout à compter des années 2010.

Ces événements ont un impact sur le fonctionnement institutionnel, d’autant plus qu’ils correspondent à un changement générationnel du personnel politique, contribuant à l’image d’un «  hyper-président  », présent partout, tout le temps, sur tous les sujets, que Nicolas Sarkozy a contribué à forger et dont ses successeurs peinent à se défaire. Mais les présidents d’aujourd’hui sont bien davantage limités par des contrepouvoirs de toute nature (décentralisation, Conseil constitutionnel, autorités administratives indépendantes, médias privés, Union européenne, etc.) que les présidents de naguère.

À l’inverse, le quinquennat a stabilisé l’attribution du pouvoir, donc son exercice.

Autrefois, le décalage entre septennat présidentiel et quinquennat législatif aboutissait à une «  arythmie  », comme l’a démontré Olivier Duhamel. Désormais, le pouvoir est effectivement et pleinement attribué pour cinq ans, conférant au régime une stabilisation qui lui manquait auparavant.

Ainsi, il est encore faux de soutenir que le quinquennat a renforcé le pouvoir présidentiel au détriment du pouvoir législatif : il a stabilisé le premier, en omettant, il est vrai, de renforcer concomitamment le second. S’il est donc une correction qu’il faut apporter, c’est bien celle-ci : renforcer les pouvoirs de l’Assemblée nationale.

Pour ce faire, plusieurs solutions sont possibles. L’idée d’un mandat présidentiel «  sec  », donc non renouvelable est avancée. Mais elle ne changerait rien à l’équilibre entre le président et l’Assemblée. Surtout, le remède serait pire que le mal car il ôterait au président la principale responsabilité qui est la sienne : répondre de ses actes face aux Français.

En revanche, on peut renforcer l’indépendance des députés face au président, en limitant l’impact de la légitimité et de l’élection du premier sur les seconds.

Pour cela, président et députés pourraient être élus le même jour : la logique du vote préservera le fait majoritaire, mais l’inconnue de son issue permettra une connexion moins forte entre les deux élections.

Sans se suffire à elle-même et requérant donc des compléments, telle une refonte de la procédure législative sur laquelle on reviendra, une telle réforme contribuerait déjà à un rééquilibrage des pouvoirs entre exécutif et Parlement.

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