Fin de partie à Hongkong. Profitant de la crise sanitaire, économique et sociale qui secoue la planète, la Chine vient de mettre fin à l’exception hongkongaise en imposant une législation féroce à l’ancienne colonie britannique. Désormais, tout dissident, tout manifestant, tout adepte de la liberté d’expression, ou de la liberté tout court, sait qu’il risque, s’il veut exercer ces droits élémentaires, de lourdes peines de prison. Hongkong était un îlot de démocratie. Hongkong est submergé par la tyrannie.
En négociant leur départ, en 1997, les Britanniques avaient prévu une longue période intermédiaire, jusqu’à l’intégration de la ville à l’ensemble chinois, en 2047. Dans cet intervalle, pensaient-ils, la Chine aura évolué, elle se sera libéralisée, l’absorption de Hongkong se fera sans dommage. Pari perdu. Irrité par la résistance de la population, le Parti communiste chinois a mis brutalement fin, bien avant l’échéance officielle, à l’autonomie de l’archipel. Qui l’en empêchera ? Personne. Le cynisme qui prévaut dans les relations internationales, économiques ou diplomatiques, interdit aux Occidentaux de réagir de manière un tant soit peu efficace. De toute manière, la puissance de la Chine est désormais trop grande pour que quiconque puisse l’empêcher d’étendre son régime totalitaire dans les provinces qui restent sur ses marges. Mourir pour Hongkong ? Personne n’y songe un instant.
Cet événement vient contredire brutalement une certaine vogue intellectuelle, selon laquelle l’universalisme des «valeurs occidentales» devrait désormais battre en retraite, que la force des identités doit prévaloir sur des principes généraux et abstraits exportés de l’Ouest et du Nord, qu’il y avait une certaine forme de colonialisme à vouloir les imposer partout. Vogue qui repose sur une confusion. La prédominance de la culture occidentale était effectivement critiquable et l’on doit faire toute leur place aux cultures longtemps dominées par le colonialisme ou le post-colonialisme. Mais tout change quand on étend cette réflexion au champ politique. Si l’on postule que la culture politique chinoise doit prévaloir sur celle de Hongkong, pour mettre fin à tout héritage colonial, on condamne du même coup tous les démocrates de Hongkong, qui préfèrent de loin les institutions léguées par la Grande-Bretagne à celles du régime chinois. Autrement dit, cet universalisme qu’on condamne avec une grande légèreté reste la seule référence solide des partisans de la liberté, laquelle n’est pas une idée locale confinée à l’Occident, mais une aspiration générale des humains. A Hongkong comme ailleurs.