Une fois encore, comme du temps de Voltaire, Pascal (Blaise, pas Obispo), est désavoué. «Tout le malheur des hommes, écrivait-il, vient de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.» Sinistre maxime. Attendues, espérées, désirées, les annonces de Philippe (Edouard), montrent que l’aphorisme n’est qu’un sophisme. A suivre Pascal, les prisonniers devraient être les plus heureux des hommes. On sait ce qu’il en est. Il faut rester dans sa chambre quand on le veut, pour réfléchir ou prendre une pause. Mais quand on y est contraint, c’est le malheur, l’enfermement, l’infantilisation. Mis à part quelques bobos confortablement logés, quelques philosophes à la Diogène, quelques agoraphobes déprimés, le confinement général de la population a été vécu comme un cauchemar. Cauchemar accepté, certes, pour de compréhensibles raisons de sécurité. Mais cauchemar tout de même.
L’être humain – faut-il le rappeler ? – est un animal social. Il vit par lui-même, mais aussi par les autres. L’isolement est un exil, un bannissement. Dans l’Antiquité, ce bannissement était jugé pire que la mise à mort. Aujourd’hui, on voit bien que la liberté, qu’on tient parfois pour une abstraction, ou un luxe, est un bien de première nécessité. Elle est comme l’air qu’on respire. En temps ordinaire, on n’y pense pas. Mais si elle vient à manquer, on étouffe.
Le passage de la France entière en zone verte – sauf l’Ile-de-France – prélude à sa mise au vert, est donc accueilli comme une excellente nouvelle. Une levée d’écrou. Certains marxistes attardés diront encore que l’on choisit l’économie contre la santé. Faible critique : on choisit en fait la vie contre son atrophie. Qu’est-ce que la vie, en effet, sans école, sans cafés, sans restaurants, sans cinémas, sans magasins, sans voyages, sans réunions de famille, sans dîners entre amis, sans relations professionnelles sinon par des écrans ? Une vie en cage. Cette cage est désormais ouverte, pour l’essentiel. La liberté reprend ses droits, avec des angoisses, ses contraintes, avec la responsabilité, qui est sa condition d’existence, mais avec sa grandeur, qui consiste à affronter la vie sans tuteur ni sauveur suprême.