Virement de bord en macronie. Dans l’escadre LREM où les notions de droite et de gauche n’ont en principe plus cours, une flottille vient de se détacher par bâbord. Chassez le naturel… Le projet était en gestation depuis plusieurs semaines, il devient réalité avec la création de ce «neuvième groupe», dénommé «Ecologie, Démocratie, Solidarité» (EDS), situé à gauche, donc, d’un groupe lui-même ni à droite ni à gauche, ce qui pose un problème géométrique ardu.
Ces frondeurs désormais hors les murs – ils lanceront leurs pierres par-dessus une muraille symbolique – comptent dix-sept députées et députés, soit bien moins qu’annoncé auparavant, ce qui permet aux caciques d’En marche de juger l’affaire anecdotique. Le groupe majoritaire n’est plus majoritaire, certes, mais il bénéficie du soutien du Modem et des francs-tireurs d’Agir, et reste donc maître de l’Assemblée. Il peut aussi récupérer la suppléante d’un élu ex-LREM devenu maire et dont on dit qu’elle rejoindrait les «marcheurs».
Le nouveau groupe EDS sera doté d’une direction à cinq têtes, Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, Paula Forteza, Delphine Bagarry et Aurélien Taché, dissidents revendiqués et, last but not least, Cédric Villani, le mathématicien qui avait pris la tangente dans l’élection parisienne avant de réaliser un score asymptotique. Cinq chefs sur dix-sept : voilà un groupe démocratique qui ne manquera pas de verticalité.
L’affaire est peut-être plus inquiétante qu’il n’y paraît. Au fil de la législature, LREM a perdu régulièrement des députés, dépités par les orientations du «macronisme réel», souvent éloigné du macronisme idéal de la campagne présidentielle. Avant la scission, d’ailleurs, les chefs LREM avaient pris la chose très au sérieux et dénoncé vertement cette équipée verte, taxée d’entreprise de division et de «contresens politique».
Mais contresens, il y a, en effet, ou plutôt contradiction : c’est au moment où Emmanuel Macron laisse entendre qu’il est prêt à réviser de fond en comble sa politique, suggérant un virage lui aussi social et écologique, que ces dissidents passent à l’acte. En principe, ils auraient dû applaudir à cette perspective : ils préfèrent claquer la porte ; au moment où la macronie envisage de pencher à gauche, sa gauche se dérobe. Une manière de dire que ces marcheurs qui font un pas de côté ne croient guère à la conversion de leur ex-patron.
Erratum : Une erreur s’est glissée dans la lettre d’hier. Les 500 milliards annoncés par le couple Macron-Merkel s’ajoutent aux 1 000 déjà prévus par le budget européen. Mais ces 1 000 milliards sont la somme de sept années de crédits, et non ceux de cette année. La somme totale est donc inférieure. Ce qui ne change rien à la nouveauté de cet emprunt communautaire.