C’est la crise dans la crise ou, comme dans les bonnes séries, l’intrigue dans l’intrigue, l’histoire dans l’histoire. Sur fond de drame sanitaire et de récession économique, l’Union européenne arrive à une nouvelle heure de vérité. Elle doit avancer ou reculer et, au passage, se redéfinir.
Acte 1 – Lente à réagir à la crise sanitaire (qui est, de toute manière, du ressort des Etats), l’Union est ensuite confrontée, de manière inattendue, à la Cour constitutionnelle allemande, qui reproche à la BCE d’aller trop loin dans le financement des budgets nationaux et revendique une forme de suprématie sur le droit européen. Aussitôt, les anti-européens, toujours nuancés, annoncent la mort de l’euro, l’éclatement de l’Union, l’inanité de la Commission, etc. «Cliffhanger» insoutenable…
Acte II – Caramba, encore raté ! L’Union, avec son sens inné de l’embrouillamini, parvient tout de même à réagir, à définir des mesures d’urgence, puis à commencer d’élaborer un plan de relance économique massive. Et surtout, Angela Merkel, interrogée au Bundestag, prend le contre-pied total du premier acte en annonçant qu’elle souhaite un plan de relance efficace, qui aiderait les pays en difficultés, et une avancée dans «l’intégration», citant même au passage – horresco referens – Jacques Delors, pour qui il ne pouvait y avoir d’union monétaire sans union politique.
Acte III – Il est en cours, complexe à souhait et opaque à une grande partie de l’opinion, selon la tradition bien établie à Bruxelles. Il comprend deux enjeux : quelles seront l’ampleur et les modalités du plan de relance ? Qu’y a-t-il derrière la déclaration d’Angela Merkel, qui semble rejoindre les aspirations françaises formulées par Emmanuel Macron, qui saute sur son fauteuil comme un cabri en réclamant plus d’action commune ?
Que sur ces deux points, la montagne bruxelloise accouche d’une souris communautaire, et l’Europe aura régressé vers une simple coordination des nations, avec des risques très sérieux pour l’euro ; qu’au contraire on assiste à des décisions importantes et elle aura progressé, non vers «le fédéralisme» (qui supposerait un gouvernement commun responsable devant le Parlement), mais vers cette «fédération de nations» dont parlait le même Jacques Delors.
Version pessimiste : les intérêts des pays rigoureux (au Nord) sont incompatibles avec ceux des plus endettés (au Sud).
Version optimiste : l’intérêt bien compris des pays du nord (et non leur simple bénévolence européenne) consiste à sauver la mise aux nations plus fragiles, faute de quoi leur économie en pâtirait aussi.
Comme dans les séries, on approche de la fin de saison. On évitera donc, dans cette lettre, de «divulgâcher» le dénouement…