04 mars 2020 ~ 0 Commentaire

Laurent Joffrin – Libération – Paris en bleu et rouge

Libération 03 mars 2020
Laurent Joffrin
La lettre politique de Laurent Joffrin

Paris en bleu et rouge

Le «nouveau monde» macronien ? Un vieux souvenir, déjà. On croyait dépasser le clivage droite-gauche : il revient au triple galop. Ceux qui doutent encore de la persistante pertinence de ces anciennes catégories doivent s’intéresser à la municipale parisienne. Le bleu et le rouge sont les couleurs traditionnelles de Paris depuis Etienne Marcel (on y a ajouté le blanc pour faire le drapeau français). Très logiquement, le bleu et le rouge dominent la campagne.

A droite donc, côté bleu, l’immarcescible Rachida Dati, sarkozienne comme au premier jour, infatigable, improbable et impayable. Ressuscitée par le combat, elle arpente les rues en clamant que Paris tout entier peut devenir le VIIarrondissement, tout en clignant de l’œil vers les quartiers populaires, où ses origines modestes peuvent plaire en démontrant qu’on peut s’élever quand on le veut. Battante, ardente combattante, elle avance sabre au clair dans les sondages. Son programme ? Sécurité, propreté, autorité : le parti de l’ordre.

Avec un appel du pied parfaitement régressif aux automobilistes, sur le thème de la «brutalité» d’une politique de diversification des transports pourtant élémentaire, à l’image de ce qui se passe dans toutes les capitales de la planète. En prime, une douceur pour les propriétaires en se prononçant contre la limitation des loyers, pourtant le seul moyen de garder à Paris des bribes de classes moyennes. Le parti de l’ordre et de la propriété : monsieur Thiers n’aurait pas dit mieux. Avec une cerise sur le gâteau : le soutien émouvant de la famille Le Pen, puisque le père a déclaré sa flamme pour la candidate et que la fille annonce qu’elle envisage très fortement un désistement en sa faveur.

A gauche, Anne la rouge, ou la rose, socialiste et écologique, qui bataille pour le logement social, l’accueil des migrants, l’écologie en actes, réputée autoritaire parce qu’elle prend des décisions, qu’on peut aimer ou non, mais qui se situe résolument dans le camp d’en face, appuyée sur les quartiers de l’est, telle une communarde des urnes. Ses alliances présentes ou futures sont claires : communistes fidèles, insoumis remuants mais sans doute prêts à se rallier au second tour, verts plus verts que verts (c’est leur fonction), dont un raisonnement élémentaire devrait les amener à reconduire l’alliance ancienne qui leur assure une place dans la majorité.

Et au milieu, un Villani tombé de la Lune qui se demande où il va atterrir. Enfin, une Agnès Buzyn, macronienne en diable, c’est-à-dire maladroite et peu connectée, entre Gaston Lagaffe et les deux Dupont. Elle accuse la mairie d’inaction dans l’affaire du coronavirus. La mairie sort une lettre signée d’elle où elle remercie la municipalité de son écoute et de ses efforts. Un programme sur le thème cher aux deux policiers de Tintin, «et je dirais même plus» : la sécurité, la propreté comme la droite, une politique environnementale un peu comme les Verts, un zeste de social un peu comme la gauche.

Droite dure, centre mou, gauche assumée. Ce qui ne préjuge en rien du résultat, puisque l’élection se joue surtout arrondissement par arrondissement, avec un nombre respectable de triangulaires ou de quadrangulaires à la clé et aux issues incertaines. Chacun retrouve ses repères. Revoir Paris…

LAURENT JOFFRIN

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