24 décembre 2019 ~ 0 Commentaire

Laurent Joffrin – Libération – Convergence des luttes ?

Libération 23 décembre 2019
Laurent Joffrin
La lettre politique de Larent Joffrin

Convergence des luttes ?

2019 en France : l’année des rébellions. Gilets jaunes au premier semestre, mouvement contre la réforme des retraites au second. Et, toute l’année, mobilisations écologiques, Greta Thunbergl’Affaire du siècleles manifs de lycéensExtinction Rebellion, avec une traduction électorale : le bon score des Verts aux européennes.

Pour les adeptes du Grand Soir et de la méthode Coué, tout cela converge. Peut-être : tous ont pour cible Emmanuel Macron, «président de l’oligarchie», néolibérale et polluante, qui accélère «l’adaptation de la France à la mondialisation» d’un côté et, de l’autre, lambine dans la lutte pour le climat.

«Une croissance infinie dans un monde fini»

Cette convergence apparente cache en fait une grande division, à laquelle les progressistes feraient bien de réfléchir. Les protestations écologiques mettent en cause «une croissance infinie dans un monde fini», ce qui se comprend, et ne sont pas loin de prôner, au nom de la «sobriété», un recul, un arrêt, voire une inversion, de l’expansion économique.

Les protestations sociales, dans le même temps, réclament «des moyens». C’est-à-dire de l’argent : pour les hôpitaux, pour les policiers, pour les pompiers, pour les agriculteurs, pour les Ehpad, pour les profs, pour les infirmières et les infirmiers, pour les services publics qui ne doivent pas se retirer des zones périphériques, pour préserver les «petites lignes» de chemin de fer, pour lutter contre les violences faites aux femmes, pour conforter les retraités, dont le pouvoir d’achat ne saurait baisser, pour rassurer les futurs retraités, dont les droits ne sauraient diminuer, etc. Déjà la révolte des gilets jaunes a obligé le gouvernement à concéder quelque 17 milliards aux oubliés des territoires. En cette fin d’année, on comprend que pour faire accepter la réforme Macron-Philippe par un corps social à vif, il faudra là aussi mettre la main à la poche. On parle déjà de 10 milliards pour garantir les retraites du monde enseignant. Combien pour les autres ?

Toutes revendications légitimes, justifiées, destinées à protéger le pouvoir d’achat des plus modestes, à maintenir les services publics et faire passer les réformes.

Les protestations sont parallèles

Qui ne voit pourtant pas la contradiction entre les deux mouvements ? D’un côté, on déclare la croissance dangereuse, de l’autre on la réclame sans le dire, pour financer les demandes d’une société inégalitaire et trop dure aux démunis comme aux classes moyennes. Moins de production (elle pollue…) mais plus de revenus (pour l’Etat et pour la société).

Un signe ne trompe pas : les classes populaires sont absentes des manifestations écologistes, les écologistes sont absents des mouvements des classes populaires. On a beau proclamer, dans une synthèse purement rhétorique, que le souci de la fin du mois et celui de la fin du monde doivent se rejoindre, les protestations sont parallèles. Ce qui veut bien dire, en bonne géométrie, qu’elles ne convergent pas. Pourtant, il faudra bien trouver un moyen de les concilier : c’est le défi majeur de tout projet progressiste.

LAURENT JOFFRIN
Tags: ,

Laisser un commentaire

Vous devez être Identifiez-vous poster un commentaire.

Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus